Certains ont fait de Waterloo une chanson, d’autres se sont résolues à faire de Trafalgar une réussite. Pour éviter que les spécialistes ne s’étranglent, précisons qu’il s’agit moins de renverser l’Histoire que d’écrire celle des autres. Dans cette Maison, on se passera donc des papiers peints cache-misère et des moquettes décrépites ; les murs sont ornés de Portraits encadrés sur-mesure et composés avec nuance. Face aux biographies flatteuses trop peu sincères et aux présentations creuses beaucoup trop austères, Bérengère et Marion ont su prendre la tangente. Elles ont ainsi échafaudé l’architecture de la Maison Trafalgar en s’assurant que celle-ci demeure l’antre des écrits cousus main et en donnant ce que beaucoup s’échinent à économiser : du temps.
À peine arrivée sur les bancs de l’EFAP Paris, l’allant de Bérengère la pousse à se projeter dans ce futur proche, où les frissons d’un projet rondement mené prendraient enfin la place de ces heures de révision promptes à agacer cette fille dissipée. C’est le terrain plutôt que l’université, le pétrin plutôt que la simplicité. Son arrivée tonitruante sur le marché du travail s’est ainsi faite le témoin de sa propension à entrer par la petite porte et à sortir par la grande. Marie-Claire, Warner Bros. et Paulette Magazine se sont tous adjoint les services de cette chargée de communication volubile. Partout où Bérengère passe, c’est le grand chambardement : elle construit et bouscule, insuffle et chamboule. Une démarche qui peut désarçonner les champions de la routine mais qui finit toujours par barrer le visage de ses collaborateurs d’une mine satisfaite. Pourtant, celle qui désirait à tout prix sortir la tête de ses livres d’étude trouve les prémices de son avenir professionnel en se plongeant dans une tout autre lecture.
Cette fois-ci, ce n’est pas Cupidon qui décoche la flèche, mais bien Marion. Derrière ces pages s’active une créative catégorie plume, une ancienne étudiante en lettres qui file la métaphore sans effort et exécute des figures qui ont du style. Deux fois publiée par une maison parisienne, Marion compile les carnets et croise les rimes aussi aisément que d’autres croisent les bras. Elle intègre les classes préparatoires Hypokhâgne, mais ne fait pas bon ménage avec l’hostilité et l’élitisme qui s’y dissimulent. Si bien qu’elle plie bagage et tente un concours d’entrée des plus ardus dans le monde de l’édition. Le résultat tombe comme un couperet : trop littéraire . Plutôt que de garder ses œillères, Marion préfère voir double et mène de front un Master de commerce et un autre en lettres modernes. Tout en se cramponnant à ses lignes, elle aiguise sa fibre commerciale, et tire sans le savoir le premier coup de canon de Trafalgar. Car ses écrits attirent bientôt un flot d’attention et de demandes de contribution. Parmi tous ces messages, il en est un qui porte la griffe de Bérengère. Le timing était à l’heure et les deux collaboratrices ponctuelles n’allaient pas se faire prier pour devenir des associées permanentes.
Crédit photographique : Romain Chambodut